Le baccalauréat S de cette année va être marqué par une fuite sur l'épreuve de mathématiques aux conséquences encore peu prévisibles. Le Ministère a planché toute la matinée pour essayer d'évaluer l'ampleur de la fuite, son origine, et la réponse à apporter pour assurer les conditions d'équité à l'examen. On peut dire que le Ministre Luc Chatel vient de prendre la plus mauvaise décision en la matière en refusant de reconvoquer l'épreuve sur un sujet de remplacement (alors que c'est normalement prévu), et en invitant les correcteurs à reporter la note sur les 3 autres exercices pour "neutraliser" l'exercice qui a été diffusé sur le net avant l'épreuve. Cette solution, qui semble prudente, ne va satisfaire en réalité personne: elle admet implicitement la fraude, et donc l'aspect inéquitable de l'examen national, et elle pénalisera sévèrement tous ceux qui ont bien réalisé le premier exercice au détriment des suivants. Les grands gagnants de cette solution bâtarde sont ceux qui ont fait l'impasse sur les probabilités... Du côté des familles, le Ministre s'expose à des recours gagnants en Tribunal administratif, ce qui déstabiliserait tout l'examen de la série S. Il reste maintenant à espérer que les jurys de correction se montreront plus cléments et plus équilibrés que ne l'a été leur tutelle.
FA
C’est le premier des exercices de mathématiques réservé aux séries S qui a été divulgué avec un jour d’avance sur internet. L’information s’est répandue hier sur le web, au point de décider l’Education nationale à ouvrir une enquête sur des soupçons de fuite. La fuite a eu lieu lundi sur ce site de forum de jeux videos.
La réponse vient d'être donnée ce midi en conférence de presse par Luc Chatel: les 165.000 candidats qui ont planché sur l'exercice divulgué (noté 4 points sur 20) ne repasseront pas l’épreuve, mais l'ensemble des points de la notation seront reportés sur les trois autres exercices notés respectivement sur 4 (QCM de géométrie), 7 (fonction et intégrale), et 5 points (géométrie dans l'espace).
Ci-dessous nous reproduisons le forum sur lequel est apparu la fuite. Une copie jpg de mauvaise qualité de l'exercice 1 a été diffusée en même temps, et retirée rapidement par un responsable du forum. Le lendemain, d'autres internautes sont venus commenter le forum pour dire qu'ils auraient dû y croire...
Cette divulgation prouve en tout cas que le sujet circulait librement avant l'épreuve sous forme papier. Ce qui constitue un cas avéré de fraude. Le ministre a rappelé que le fraudeur était passible de 3 ans de prison et de 9000€ d'amende, mais si le fraudeur n'est pas concerné par l'examen lui-même, est-ce la peine encourue réellement? Selon son post, il est déjà bachelier.
Combien d'internautes ont pu lire ce forum improbable? Peu sans doute. Mais depuis quand ce sujet circule-t-il? Y-a-t-il un réseau d'inités? C'est ce que déterminera l'enquête puisque le Ministre a annoncé ce matin avoir porté plainte.
Il reste que cette décision de re-notation est bizarre:
- on admet la fuite, cause évidente d'annulation, mais l'examen n'est pas annulé
- l'équité n'est plus assurée pour les 165000 candidats puisque le barême est annoncé sur la copie, et il n'est pas respecté par les correcteurs. Ceux qui n'ont pas fait l'impasse sur les probas sont pénalisés. Ce n'est pas comme cela que l'on rétablit l'équité.
- puisqu'il semble que la fuite soit très limitée (publication la veille sur un forum suivi d'un retrait par le webmaster), il y aurait très peu de fraudeurs potentiels, pourquoi pénaliser tous ceux qui ont réussi cet exercice bien plus nombreux que les fraudeurs?
- les barêmes sont là pour guider le candidat dans la gestion de son temps et de sa copie. Changer les règles de barême après l'examen, c'est l'inverse d'une décision qui rétablirait l'égalité entre les candidats.
Les conséquences sont nombreuses : des familles peuvent contester les notes de leur enfant devant un tribunal administratif, et une annulation à l'échelle nationale est possible si les familles considèrent que la solution adoptée par le Ministère atteint davantage l'équité face à l'examen.
On voit à quel point l'organisation du bac est sur la lame du rasoir: le Ministère s'avoue impuissant pour réorganiser rapîdement l'épreuve de substitution. Il faut reconvoquer, remobiliser les lycées centres d'examen, et les surveillants. Un cauchemar sans doute. Si on en est là, pourquoi continuer à organiser un examen aussi lourd chaque année, si le moindre accroc n'est pas rattrapable?
La FCPE nationale devrait communiquer sous peu sur cette fraude et les conditions d'organisation de l'examen national. Mais en temps que parents d'élèves, nous ne pouvons qu'inviter les jurys d'examen à faire preuve de sagesse et de lucidité, en prenant en compte la réussite du candidat à l'exercice 1 malgré la recommandation du Ministère. C'est un gros coeffcient du bac S (7 pour les non spé), et l'avenir de beaucoup de ces bacheliers en dépend. La plupart savent déjà où ils sont admis en post-bac , mais d'autres par exemple sont admis sous condition de mention.
François ANDRE