Monsieur l’Inspecteur d’Académie,
La carte scolaire que vous nous présentez est marquée par la volonté gouvernementale de désigner un coupable aux maux de la société, le trop d’Etat. Cette volonté s’exprime sur un seul mode concernant la chose publique ; « réduction du périmètre de l’Etat, moins de fonctionnaires, moins de services publics »
Dans ce contexte notre département doit rendre 35 postes (ndr : dans le primaire) que vous prenez sur la brigade et sur les postes G. Ce seront des conditions de remplacement dégradées et du soutien en moins.
Dans le même temps, notre ministre trouve deux millions d’heures supplémentaires pour des cours de remise à niveau qui amputent d’autant les moyens qu’il aurait pu mettre à la disposition du système pour diminuer l’échec scolaire. Il réorganise le fonctionnement des écoles en supprimant le samedi matin pour mettre en place un soutien aux élèves les plus en difficulté. Là encore, c’est à moyens constants, et ce qui est donné aux uns l’est en diminuant le temps d’enseignement de tous.
Mais parler des moyens ne peut se faire sans s’interroger sur les objectifs et les finalités de l’école primaire.
A cet égard, la refonte des programmes proposée par le ministère est significative du renoncement par l’Etat à de hautes ambitions pour l’école et du reniement de celui qui les avaient alors signé en 2002.
Deux anciens ministres, de bord politique différent, utilisent à ce propos des mots très durs ; paresse intellectuelle, vide abyssal, imposture et reniement. La communauté scientifique fait le même constat accablant, toute discipline confondue. Le recteur Joutard, porteur des programmes de 2002, pointe la vision étriquée qui a présidé à ces évolutions et le triomphe de la nomenclature sèche et de la mémorisation sans intelligence. Plus inquiétant pour toute la communauté éducative, ces programmes ont été conçus par quelques thuriféraires de la doxa présidentielle et ils ne recueillent l’assentiment que de ceux qui apprécient l’exemplarité du comportement de la plus haute autorité de l’Etat en matière de civilités.
Il faut également évoquer la volonté récurrente et implicite de stigmatiser notre profession. Présentée comme fainéante, incompétente, responsable du chômage, de l’échec scolaire et des déficits budgétaires, il est enfin temps qu’elle travaille plus, qu’elle apprenne aux élèves à lire, écrire et compter. On attend d’elle qu’elle se soumette et, après avoir sapé l’autorité qu’elle tient de sa compétence disciplinaire, qu’elle participe à la « réparation » d’une société bien plus fortement secouée et désemparée par les désordres économiques que par quelque querelle d’expert autour de l’apprentissage de la lecture.
Ce qui nous est présenté là, monsieur l’Inspecteur d’Académie, ces moyens comme ces finalités, signifient au mieux le refus de toute pensée complexe en matière d’éducation, au pire le cynisme d’une politique éducative qui abandonne chacun et les plus faibles en particulier à une « responsabilité individuelle » bien illusoire.
Gambetta disait : « Ce qui constitue la vraie démocratie, ce n’est pas de défendre des égaux, c’est d’en faire ». A cet égard, les décisions du ministère ne peuvent nous satisfaire.