Après bien des atermoiements, en particulier sur la mise en application d’une réforme des rythmes scolaires, et après une concertation plutôt expresse menée tambour battant à la fin de l’été, le gouvernement semble enfin prêt à publier le projet de loi pour la refondation de l’école. Par rapport aux ambitions initiales affichées comme prioritaires pour le quinquennat, on peut considérer que cette loi "d'orientation et de programmation" tente de réparer les dégâts du quinquennat précédent (semaine de 4 jours ½ comme avant Darcos, re-création des IUFM sous un autre nom, accueil des tout petits à la maternelle, re-création de postes, etc..), davantage qu’elle ne pose les conditions d’une vraie refondation. Il y a bien sûr des avancées, mais on est plus dans le colmatage que dans une grande vision de l’école du XXIème siècle.
Selon les informations disponibles, le texte sera vraisemblablement présenté en Conseil des ministres fin janvier. Il devra auparavant être examiné par le Conseil d'Etat et le Conseil économique social et environnemental (CESE), car il s'agit d'une loi d'orientation et de programmation.
Ce projet de loi, avec 53 articles, modifie le Code de l’Education en vigueur. Il comprend une annexe de programmation, qui détaille en particulier les 60.000 créations de postes entre éducation nationale, enseignement supérieur et enseignement agricole. 3.000 de ces postes seraient mobilisés pour l’accueil des tout petits en maternelle (enfants de moins de 3 ans) dans les zones défavorisées. Sur ce point, il serait juste de se demander si cela compense les reculs constatés dans ce domaine depuis près de dix ans. Toujours au titre de ces 60.000 postes, pour permettre de varier les pratiques pédagogiques, le ministère prévoit 7.000 postes affectés au principe du "plus de maîtres que de classes". Est-ce une nouveauté, ou une manière indirecte de remettre de l’éducation spécialisée dans les écoles, en compensant à peine les milliers de postes supprimés dans les RASED depuis 5 ans ?
La formation des enseignants figure bien sûr dans le projet. Elle a fait l’objet de nombreuses contributions unanimes pendant la concertation. La loi propose, comme prévu, la création des Ecoles Supérieures du Professorat et de l'Education (ESPE) destinées à rétablir une formation initiale des enseignants. Une modification notable à signaler dans l'article 45 des dispositions relatives au personnel: « Tout au long de leur carrière, les enseignants bénéficient d’une formation continue. ». Cette modification est loin d'être anodine.
De nouveaux conseils sont créés (mais en supprimera-t-on d’anciens devenus caduques ?) : un service public de l'enseignement numérique et de l'enseignement à distance, un Conseil national d'évaluation du système éducatif et un Conseil supérieur des programmes.
Comme déjà annoncé peu avant la rentrée, un enseignement « moral et civique » est institué. Par ailleurs, on peut noter une avancée notable sur le front de l’apprentissage des langues vivantes, avec l’enseignement de la LV1 obligatoire dès le CP. Avec quels enseignants et quelles compétences ? Mystère ! Ce point est notable quand on sait qu’il y a encore aujourd’hui des écoles qui n’ont pas commencé l’apprentissage de la langue au niveau CE1.
Enfin, toujours à l’école primaire, les rythmes scolaires vont évoluer après de nombreux pas de côté et quelques reculs. Le projet a pris du retard sous la pression de lobbys très variés dans une union improbable entre les maires de France, les syndicats enseignants, et les métiers du tourisme. Le retour à la semaine de 4 jours et ½ ne devrait pas se faire avant 2014 (qui le fera en 2013 ?), avec toujours une durée de 36 semaines, ce qui ferait revenir le nombre de jours d’école de 144 à 162/an, un pas timide vers la moyenne européenne qui se situe à 190 jours d’école/an environ.
Quid du collège et du lycée, parents pauvres du quinquennat ? Pas grand-chose sur ce front, si ce n’est qu’il n’y aurait plus d’orientation avancée au collège, pour prolonger le plus possible le tronc commun. Mais rien sur le lycée (ce serait pour plus tard), en dehors d’une mesure très symbolique (et inutile) du rétablissement de l’histoire-géographie au bac élitiste S (en 2015).
Et surtout rien sur la sectorisation assouplie depuis 2007! Aujourd’hui, le Parisien titre sur le scandale des ghettos scolaires pour rappeler que rien n’est fait jusqu’à présent depuis le début de ce quinquennat pour juguler les flux de dérogation. La gauche est décidément bien lâche sur cette question qu’elle n’a jamais mise en avant au cours de la concertation de ces derniers mois, une question bien absente des déclarations publiques du Ministre Peillon.
Espérons que cette loi soit améliorée, et qu’elle ne soit qu’une étape.
François ANDRE