Ces évaluations, conduites au mois de janvier, et fortement contestées, refont surface. Faute d'un taux de réponse suffisant, du fait de la résistance des enseignants, certaines inspections d'académie ont fait pression sur leurs inspecteurs, voire sur les directeurs d'école, pour gonfler les statistiques de remontées des évaluations. Quitte à manipuler les résultats ou à changer les modes de calcul...
Le ministère, via une pression sur les recteurs et les inspecteurs d'académies, inciterait donc à « transformer » les résultats! Pour masquer les méfaits d'une évaluation bâclée et inégalitaire.
Cette annonce prêterait presque à sourire, mais un trucage d'une telle ampleur ne peut que faire froid dans le dos sur le niveau de servilité auquel sont désormais soumis les services académiques. Ce scandale vient d'être dénoncé par le syndicat national des personnels d'inspection membre de la FSU (SNPI-FSU) sur son site le 12 mars dernier.
Une accusation extrêmement grave qui va contraindre Xavier Darcos à répondre rapidement car c'est la crédibilité de son action qui est mise en cause.
Si ces faits sont vrais, nous aurions là une preuve tangible de la destruction du service public français, et de la malhonnêteté d'un Ministre que l'on dit sur le départ..Ci-dessous le communiqué hallucinant mais authentique du SNPI-FSU:
« Des témoignages nous parviennent de toute la France faisant état de pressions directes ou indirectes des IA-DSDEN sur les IEN CCPD pour gonfler les statistiques des remontées des évaluations CM2. La plupart des instructions données l’ont été oralement, mais certaines instructions écrites nous sont parvenues et confirment les alertes qui nous ont été lancées.
Ces instructions consistent à demander aux IEN CCPD de transformer les fichiers des résultats renseignés par les directeurs d’école, notamment ceux qui ont intégré un code 2 validant des compétences partielles, ou bien à transformer les codes A en 0 ou en 1 pour faire remonter les scores.
Le SNPI-fsu appelle les inspecteurs à ne pas compromettre leur indispensable légitimité professionnelle au sein de leur circonscription, ainsi que la valeur de leur expertise institutionnelle nationale dans des opérations de manipulation des informations qu’ils ont à valider et à transmettre.
Ce genre de pratique déroge à l’évidence à la déontologie la plus élémentaire. Elle met à mal la neutralité du service public et la confiance des citoyens envers la fonction publique. Dans certains cas, les instructions délivrées par les IA-DSDEN s’apparentent à une demande de production de faux en écriture publique dénoncée par le Code de procédure publique et le Code pénal. Dans d’autres cas, les instructions sont accompagnées de menaces sur la carrière, voire sur la réussite au prochain oral d’un concours national de recrutement. Là encore, ce genre de pratique est dénoncée par la morale et les lois et il est susceptible de poursuites judiciaires.
Dans la plupart des cas qui nous ont été communiqués, la même légitimation de l’opération revient, comme l’expression d’une manipulation grossière : « l’académie (ou le département, selon les cas) est classée dernière dans la remontée des résultats des évaluations ; il faut absolument atteindre le niveau national, sinon les sanctions vont tomber (sous-entendu pour le recteur, l’IA-DSDEN, voire les IEN CCPD) ». Stupéfiante course à l’échalote !
Cette information doit être croisée avec les témoignages de plus en plus nombreux qui nous parviennent sur la gestion autoritaire et ouvertement menaçante par le ministère et l’administration centrale à l’encontre des recteurs et des IA-DSDEN. Le limogeage spectaculaire de l’IA-DSDEN du Rhône a été à cet égard l’élément de trop dans cette gestion archaïque, irrespectueuse et contraire aux valeurs de notre république et de la démocratie. Désormais, tous les IA-DSDEN craignent de se voir renvoyés à tout moment. Une rumeur, plus ou moins fondée, nous est très récemment parvenue faisant état d’une « prochaine charrette » (sic). Dès lors, on ne peut s’étonner que certains IA-DSDEN perdent leur sang-froid et se livrent à des pratiques inadmissibles.
Tout cela est le fruit d’une politique éducative inspirée par le culte absurde du résultat avec des chiffres manipulés, par l’autoritarisme et la personnalisation dans la gestion de la fonction publique, une politique qui vise à l’atomisation du service public national dont les relais territoriaux sont mis en concurrence sur le modèle des entreprises privées à but lucratif.
Le SNPI-fsu soutiendra avec force tous les IEN CCPD qui défendront la dignité de leur fonction et celle du service public en refusant de se conformer à des instructions manifestement illégales et de nature à compromettre gravement un intérêt public. De même, conformément à ses statuts, il soutiendra tous les IA-DSDEN qui se verraient menacés ou sanctionnés pour avoir défendu avec courage et lucidité les valeurs du service public. »
Enfin, pour illustrer, voici une lettre postée en forme de commentaire sur le site de Sauvons l'Ecole, qui reflète bien l'ambiance délétère qui entoure les évaluations de CM2 et leur traitement:
Conseil des maîtres Briançon, le 16 février 2009
Ecole de Pont de Cervières
Rue Alfred Mondet
05100 Briançon
Objet : évaluations nationales CM2
Monsieur l’Inspecteur d’Académie
Inspection académique des Hautes-Alpes
12 Avenue du Maréchal Foch 05000 Gap
Monsieur l’Inspecteur d’Académie,
Le Conseil de maîtres de l’école de Pont de Cervières a l’honneur de s’adresser à vous pour vous faire part de son indignation quant au traitement qu’ont subi les évaluations nationales CM2 passées dans notre école.
Conformément à la demande ministérielle, le maître de CM2 a fait passer ces évaluations à ses élèves pendant la semaine du 19 au 23 janvier.
Estimant contraire à la plus élémentaire pédagogie le fait de poser des questions sur des éléments de programme non encore abordés à cette époque de l’année et soucieux de ne pas mettre les élèves en situation d’échec de façon complètement artificielle, seuls les items correspondant aux notions travaillées en classe ont été proposés aux élèves, conformément aux consignes syndicales. Une réunion de présentation des résultats a été organisée en direction des parents et ces résultats ont été présentés à Madame l’Inspectrice de l’Education nationale de Briançon.
Hors, quelle ne fut pas notre grande surprise d’apprendre que la directrice de notre école avait été contrainte d’apporter les livrets d’évaluation à l’Inspection pour que les résultats soient entrés dans le logiciel ministériel, alors même que la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL) n’a toujours pas autorisé la saisie informatique de ces résulats? Ce logiciel n’acceptant pas les non-réponses, les items non renseignés se sont vus attribuer des codes aléatoires, la moitié de « succès » et l’autre moitié d’ »échecs ».
Nous ne pouvons accepter cette falsification qui attribue des résultats à des épreuves qui n’ont pas été passées par les élèves, d’autant que cette fraude a été généralisée à plusieurs écoles de la circonscription.
Nous dénonçons la pression intolérable exercée sur les personnels de l’Education nationale qui a conduit à de tels égarements,. De telles pratiques mettent fondamentalement en cause la fiabilité de ces évaluations nationales en leur ôtant toute valeur.
Veuillez agréer, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, l’expression de notre haute considération.